Damas-SANA / Le Président Bachar al-Assad a affirmé qu’il est du devoir de l’Assemblée du peuple d’être partie intégrante de la phase de transition et de développement liée à la vision sur le rôle de l’État et de ses institutions en général, ainsi que sur les politiques et les orientations, soulignant que “nous pouvons porter tous nos espoirs à l’institution de l’Assemblée du peuple car elle est la plus haute dans tout État”.
Dans ses déclarations lors de son vote aux élections des membres de l’Assemblée du peuple aujourd’hui, en réponse aux questions des journalistes sur les élections législatives en cours et les développements politiques actuels, le Président al-Assad a déclaré : “Nous sommes positifs vis-à-vis de toute initiative visant à améliorer les relations avec la Turquie, et c’est la chose normale, et personne ne pense à créer des problèmes avec ses voisins, mais cela ne signifie pas que nous allions rencontrer le Président turc Recep Tayyip Erdogan sans règles”.
Voici les réponses du Président Assad aux questions des journalistes :
Question :
Un important évènement électoral a lieu aujourd’hui au niveau de la République arabe syrienne, qu’en est-il attendu ? Bien qu’il y ait des voix qui disent qu’il ne se passera rien de nouveau.
Monsieur le Président :
Si nous voulons parler de l’institution de l’Assemblée du peuple, nous pouvons porter tous nos espoirs à elle, car c’est l’institution suprême de tout État. Si nous ne pouvons pas porter nos espoirs et construire des attentes à elle, alors il n’y a aucun espoir pour quoi que ce soit d’autre. Il est normal d’avoir des attentes, mais je veux faire la distinction entre les espoirs et les rêves, et entre les attentes. Il est du droit du citoyen de porter tous ses espoirs à une institution, qu’elle soit exécutive ou législative. Cependant, les attentes doivent être fondées sur des faits spécifiques. Maintenant, je vais expliquer ce que je veux dire. Si nous demandons à la plupart des Syriens, qu’ils soient citoyens, responsables ou autres, de donner leur évaluation de l’Assemblée du peuple actuel, du précédent et de celui d’avant, ils parleront des personnes, et c’est une erreur. Ici, nous ne verrons aucun changement dans quoi que ce soit que nous attendons. Les institutions ne sont pas construites sur les personnes, mais sur les statuts. La personne est importante, mais après le statut, elle vient à la deuxième étape et non à la première. Allons-nous développer le statut de la future Assemblée du peuple ou non ? Donc, si je reviens à la deuxième partie de votre question selon laquelle il n’y a pas de changement, si nous nous posons cette question pendant des décennies, les noms changent, les visages changent, les mentalités changent car chaque individu appartient à un angle de la société, mais rien ne change. Pourquoi ? Parce que le statut ne change pas. Voici le problème. Bien sûr, il y a des changements et des développements, mais dans certaines limites. L’Assemblée du peuple est régie par trois statuts : le premier est la constitution, qui est claire quant au rôle de l’Assemblée du peuple. Le deuxième est la loi, qui est également claire et peut nécessiter des ajustements comme toute autre loi, il n’y a pas de problème à ce sujet. Mais la problématique ne réside pas dans la loi. À mon avis, le changement et le problème résident dans le statut de l’Assemblée du peuple, car c’est lui qui définit les mécanismes qui régissent le rôle de cette Assemblée. Je dis toujours que l’Assemblée du peuple ne remplit pas son rôle. Alors, comment peut-il remplir son rôle ? Par le biais du statut intérieur. Donc, devons-nous l’évaluer en fonction des personnes ? Il y a des personnes appropriées et des personnes inappropriées, c’est un point de vue personnel pour chaque individu, il est difficile de parvenir à un consensus sur qui est approprié et qui ne l’est pas. L’avantage des statuts est qu’ils permettent aux personnes appropriées, s’il y a consensus, et bien que cela soit théorique, de faire progresser l’institution et sa performance, et ils empêchent les personnes inappropriées, avec des objections, de faire décliner le travail de l’institution. Tant que nous construisons nos attentes sur les personnes, je dis qu’il n’y a pas d’attentes. Donc, nous devons nous poser une question très importante en tant que Syriens : quel est le statut intérieur qui transforme cette institution en une institution active ? À ce moment-là, nous pourrons évaluer les personnes de manière objective. Quelqu’un peut dire : “Ce sont les bonnes personnes qui changent ce statut”. Je dis que si l’Assemblée du peuple n’a pas la vision de l’évaluation, de la responsabilité et de la surveillance du gouvernement, et si nous, en tant que citoyens, n’avons pas de vision, comment pouvons-nous évaluer et tenir compte d’un membre de l’Assemblée et décider de l’élire ou non lors de la prochaine session ? Donc, c’est une question nationale. Nous devons tous avoir une vision sur le statut intérieur. Si nous parvenons à avoir cette vision, nous pourrons construire des attentes. Quelle est la première attente de l’Assemblée du peuple ? Personnellement, en tant que citoyen syrien, la première chose que je veux de l’Assemblée du peuple, c’est qu’il surveille les politiques. Aujourd’hui, en tant que citoyens, nous interagissons avec l’Assemblée du peuple de la même manière qu’avec le gouvernement, de la même manière qu’avec le parti. Nous voulons qu’ils améliorent les procédures. Ce n’est pas de la mission de l’Assemblée du peuple. Lorsque nous demandons à l’Assemblée du peuple de faire des tâches qui ne relèvent pas de son rôle, nous ne devons pas nous attendre à grand-chose. C’est la même chose pour le gouvernement, c’est la même chose pour le parti au pouvoir. Donc, premièrement, nous devons développer le statut intérieur, puis construire des politiques. C’est ainsi que nous pourrons voir les résultats des attentes. À ce moment-là, les espoirs font partie des attentes et nous nous éloignons des rêves.
Question :
Monsieur le Président, les élections sont considérées comme une tradition syrienne. Comment les élections législatives actuelles diffèrent-elles des précédentes en termes de processus et de mécanismes ?
Monsieur le Président :
Actuellement, la différence, indépendamment des différences entre les personnes, réside dans le mécanisme adopté par le parti Baas en tant que parti au pouvoir, qui est la plus grande force électorale.
Nous avons vu des résultats différents, certains les acceptent, d’autres ne les acceptent pas. En fin de compte, cela s’appelle la consolidation au sein du parti, mais je ne me concentre pas sur ce point, je me concentre sur cette étape. Depuis des années, nous parlons du fait que le processus électoral est un processus constitutionnel, et le conflit était un conflit de guerre et un conflit constitutionnel, préservant la constitution qui représente l’essence de l’État. Maintenant, cette question est derrière nous. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de transition, une phase de transition liée aux visions concernant le rôle de l’État, des institutions de l’État en général, des politiques en général et des orientations. L’Assemblée du peuple doit faire partie de cette étape, une étape de développement. Ces visions dont je parle font partie de la réalité imposée par la guerre, et une partie d’entre elles est imposée par la guerre non pas en raison de la réalité de la guerre, mais parce qu’avant la guerre, nous rejetions le changement. Nous sommes maintenant entrés dans une phase de changement, une phase de développement, une phase de transition. Les appellations n’ont pas d’importance. Nous ne pouvons pas passer en douceur dans cette phase dans ces conditions difficiles en Syrie, dans la région et dans le monde sans un dialogue national. L’Assemblée du peuple est l’institution la plus importante pour le dialogue national. Si je reviens au point lié au statut intérieur, celui-ci est ce qui gère ce processus, le processus de dialogue. Le dialogue à l’intérieur de l’Assemblée du peuple entre les différents courants, le dialogue entre l’Assemblée du peuple et les autres institutions de l’État, et le dialogue entre l’Assemblée du peuple et ses électeurs. C’est donc le dialogue national. L’Assemblée du peuple est l’institution la plus importante, donc votre question est liée à la première question, elle est liée au statut intérieur qui nous permet d’avoir des mécanismes institutionnels pour jouer ce rôle important dans cette phase de transition difficile.
Question :
Monsieur le Président, En dehors des élections, le président turc Recep Tayyip Erdogan a demandé à vous rencontrer à plusieurs reprises. La question qui préoccupe tout le monde est de savoir si le Président Bachar al-Assad rencontrera le président Erdogan et répondra à cette initiative.
Monsieur le Président :
De ma position et de sa position en tant que responsables au sommet de la hiérarchie du pouvoir dans nos deux pays, si la réunion conduit à des résultats ou si elle conduit à un consensus, ou si elle conduit à des reproches, ou si elle conduit à des bises de barbe, comme on dit dans la langue familière, et si cela sert l’intérêt du pays, je le ferai. Mais le problème ne réside pas ici, il ne réside pas dans la réunion, mais dans le contenu de la réunion. Proposer une réunion peut être important, car une réunion est un moyen d’atteindre un objectif. Quel est l’objectif ? Nous n’avons pas entendu quel est l’objectif. Résoudre le problème, améliorer les relations, les ramener à la normale. La première question que nous posons est : pourquoi les relations sont-elles sorties de leur cours normal il y a treize ans ? Nous n’avons entendu aucun responsable turc parler de ce point explicitement. Alors, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous sommes positifs à l’égard de toute initiative visant à améliorer les relations, et cela est normal. Personne ne pense à créer des problèmes avec ses voisins, mais cela ne signifie pas que nous devons agir sans règles. La réunion est un moyen, et un moyen a besoin de règles et de références pour produire des résultats. Si elle ne produit pas de résultats, les relations peuvent devenir pires. L’échec de ce moyen à un stade donné peut nous conduire vers une situation pire et nous faire payer un prix plus élevé. C’est pourquoi la Syrie a insisté sur l’importance de la réunion, indépendamment de son niveau. Je ne parle pas d’une réunion entre les deux présidents en général ; les réunions n’ont pas cessé et elles se poursuivent. Il y a une réunion qui est organisée au niveau de la sécurité par certains intermédiaires, et nous avons été positifs. Le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré qu’il y a des réunions secrètes, il n’y a rien de secret pour nous en Syrie, tout est public. Quand il y a une réunion, nous l’annoncerons, il n’y a rien de secret. Mais nous n’avons pas vu de résultats parce qu’il n’y avait pas de volonté politique. Alors nous nous demandons quelle est la référence de la réunion. Est-ce que cette référence est l’annulation ou la fin des causes du problème, qui se résument par le soutien au terrorisme et le retrait des territoires syriens ? C’est là l’essence du problème, il n’y a pas d’autre raison. Donc, s’il n’y a pas de discussion sur cette essence, que signifie la réunion ? Alors nous nous efforçons de faire quelque chose qui donne des résultats. Nous ne sommes pas opposés à une réunion ou à autre chose, l’important est d’atteindre des résultats positifs qui servent l’intérêt de la Syrie et de la Turquie en même temps.
Question :
Hier, le ministre turc des Affaires étrangères a parlé de la nécessité d’un retour des relations et a demandé aux amis de faire pression en faveur de cela. La Syrie est-elle prête aujourd’hui à la normalisation, et quel est le rôle des amis de la Syrie dans cela ?
Monsieur le Président :
Nous avons utilisé le terme de normalisation de manière incorrecte au cours des dernières années, que ce soit ceux qui sont en faveur de la normalisation ou ceux qui y sont opposés. Dire que nous normalisons pour atteindre des relations normales est une contradiction en soi, car la normalisation est forcée alors que la relation normale est spontanée. La normalisation et la relation normale ne peuvent pas coexister. Nous pouvons utiliser le terme de normalisation avec un ennemi anormal en dehors de la logique des choses, comme “Israël”, une entité sioniste. Ainsi, dire que nous normalisons est un processus forcé car nous voulons imposer des relations naturelles qui n’existent pas. En revanche, lorsque nous parlons d’un pays voisin et d’un État voisin avec des relations séculaires, les relations doivent être exclusivement normales. Le terme normalisation est erroné. Si nous voulons parvenir à des relations normales, ce à quoi nous aspirons en Syrie, peu importe ce qui s’est passé, l’occupation peut-elle faire partie des relations normales entre les pays ? Le soutien au terrorisme peut-il faire partie des relations normales entre les pays ? C’est impossible. Lorsque nous parlons de relation normale, nous devons exclure tout ce qui est anormal de cette scène. L’occupation est anormale, le terrorisme est anormal, le non-respect du droit international est anormal, le non-respect de la souveraineté des pays voisins et non voisins est anormal. Lorsque les éléments anormaux sont éliminés, la relation devient normale, sans normalisation forcée et sans l’avis des gouvernements. Elle se déroule naturellement vers un retour à ce qu’elle était avant la guerre, surtout lorsque ces relations normales ont prouvé que la protection des frontières dont parlent les responsables turcs provient de ces relations normales, comme c’était le cas auparavant lorsque les frontières étaient calmes. La Syrie a toujours respecté ses engagements depuis plus d’un quart de siècle en ce qui concerne la sécurité des deux côtés de la frontière et la lutte contre le terrorisme. C’est ainsi que nous envisageons les relations normales avec la Turquie.
Question :
Et le rôle des amis, Monsieur le Président ?
Monsieur le Président :
Les amis sont entièrement conscients de ce dont nous parlons, et ils connaissent cette position depuis la première initiative qui a eu lieu il y a cinq ans. En passant, parler des initiatives est nouveau, mais le début des initiatives remonte à il y a cinq ans. Au cours de ces cinq années, nous répétons la même position. Une fois les causes éliminées, les résultats se manifestent. Il n’est pas nécessaire de recourir à des tactiques politiques ou médiatiques. Cette relation est normale et nous y parviendrons, et les amis soutiennent cela, surtout que les amis qui s’efforcent de résoudre les problèmes entre nous et la Turquie respectent le droit international. Ce que nous demandons est un droit pour la Syrie, et c’est une loi internationale que personne ne peut contester. Ils peuvent parfois demander certaines mesures, cela est sujet à discussion et débat, mais les mesures sont une chose et passer outre le principe en est une autre. Nous ne pouvons pas passer outre les principes sur lesquels reposent nos intérêts nationaux.
Question :
Monsieur le Président, certains décrivent ces conditions comme étant impossibles. Pour Damas, sont-elles des principes, des exigences essentielles sans lesquelles il est impossible de parler de tout progrès vers la normalisation aujourd’hui ? Ou peuvent-elles être intégrées dans le processus de négociation avec un calendrier défini pour les réaliser ?
Monsieur le Président :
Certains parlent de conditions, nous ne posons pas de conditions. Certains parlent de réclamation, peut-être un terme plus léger que celui de conditions. Nous ne posons pas de réclamations. Donc, ce dont nous parlons n’est ni des conditions ni des réclamations, mais des prérequis. Le terme est différent. Tout ce que nous voulons réaliser dans le monde nécessite un environnement propice, ce qu’on appelle les prérequis. Ainsi, s’il y a une relation politique, elle a besoin de prérequis spécifiques pour produire des résultats. S’il y a une relation de partenariat économique, un projet commun entre un groupe de personnes, des entreprises ou des pays, il a besoin de prérequis. Par conséquent, sans prérequis, le processus échouera. Ce dont nous parlons, ce sont les prérequis imposés par la nature des relations entre les pays. Le droit international exprime ces prérequis. Ici, nous pouvons revenir au point fondamental, est-il possible d’avoir cette relation sans droit international ? Sans parler explicitement du passé, sans parler des erreurs politiques qui ont conduit à la destruction d’une région entière, à la mort de centaines de milliers de personnes, pouvons-nous aller de l’avant sans tirer des leçons du passé et sans établir des bases pour éviter que les générations futures ne tombent dans les mêmes pièges ?
Question :
Est-ce que les garanties offertes par les pays intermédiaires aujourd’hui peuvent contribuer à résoudre ces prérequis dont vous avez parlé ?
Monsieur le Président :
Aucune garantie ne nous a été offerte, c’est pourquoi nous avançons de manière positive, mais en nous basant sur des principes clairs, pas seulement des principes, mais le droit international et la souveraineté sont clairs. Cependant, nous avons une méthodologie spécifique pour nous assurer que nos actions mèneront à des résultats positifs. Comme je l’ai dit précédemment, si nous n’obtenons pas de résultats positifs, les résultats seront négatifs. Certains disent que nous ne perdrons rien, non, dans ce cas, soit nous gagnons, soit nous perdons. En ce qui concerne la Turquie, les alliés et nous-mêmes, soit tout le monde gagne, soit tout le monde perd, il n’y a pas de compromis, pas de zone grise. Donc, lorsque nous insistons sur les principes et les prérequis, c’est parce que nous sommes soucieux de la réussite du processus, ce n’est ni une inflexibilité ni de l’arrogance comme certains le prétendent. Nous n’avons pas d’arrogance. Nous cherchons d’abord nos propres intérêts, et nos principes découlent de nos intérêts liés à eux et ne sont pas séparés d’eux.
A.Ch.